LE MOBBING

Le mobbing, ou harcèlement psychologique au travail, désigne un ensemble de comportements hostiles, répétés et prolongés, qui visent à isoler, humilier ou discréditer une personne dans son environnement professionnel.

Selon le Secrétariat d’État à l’économie (SECO), il s’agit d’un « comportement abusif et répété exercé par une ou plusieurs personnes envers une autre, dans le but ou avec l’effet d’atteindre sa personnalité, sa dignité ou sa santé psychique « .

Ces comportements peuvent paraître anodins au départ (moqueries, critiques, rumeurs), mais leur répétition dans le temps crée une véritable violence psychologique, parfois invisible pour l’entourage.

« Le harcèlement moral au travail est une violence sourde, invisible, mais destructrice. » Inspiré des travaux de Marie-France Hirigoyen



Il est essentiel de distinguer le mobbing d’autres situations professionnelles :

  • Conflit professionnel : un désaccord ponctuel entre collègues est normal. Le mobbing, lui, s’inscrit dans la durée et vise à nuire délibérément.
  • Harcèlement sexuel : il concerne des comportements à connotation sexuelle. Il peut s’ajouter au mobbing mais reste un acte distinct juridiquement.
  • Stress professionnel : il découle d’une charge de travail ou de mauvaises conditions, sans intention malveillante.

Le mobbing est donc intentionnel, répété et ciblé. Il cherche à pousser la victime à se marginaliser ou à quitter son emploi.



Le mobbing prend plusieurs formes selon la structure hiérarchique et la dynamique du groupe :

Mobbing vertical descendant

Un supérieur hiérarchique harcèle un collaborateur par des critiques humiliantes, des tâches dévalorisantes ou des menaces constantes.

Mobbing vertical ascendant

Un ou plusieurs employés s’allient contre leur supérieur pour contester son autorité ou le pousser à la faute.

Mobbing horizontal

Des collègues du même niveau hiérarchique se liguent contre une personne : exclusion, moqueries, rumeurs, isolement social.

Mobbing institutionnel

Lorsque la direction ou la culture d’entreprise tolère ou favorise les comportements abusifs, souvent pour pousser un employé à partir « de lui-même « .



Le harceleur

Souvent animé par la jalousie, la rivalité ou le besoin de domination, il peut être un supérieur ou un collègue. Son comportement est stratégique et destructeur.

La victime

C’est souvent une personne compétente, sensible ou différente (âge, genre, valeurs, origine, etc.). Le harcèlement l’isole et la pousse à douter d’elle-même.

Les témoins silencieux

Leur inaction alimente le processus de mobbing. Par peur ou indifférence, ils laissent la situation s’aggraver.


Le mobbing dans le monde professionnel suisse



En Suisse, certaines professions sont plus vulnérables face au harcèlement psychologique au travail.
Selon plusieurs études du SECO et des syndicats, les milieux les plus exposés sont :

  • La santé : hôpitaux, EMS, cliniques – pression émotionnelle, surcharge de travail et hiérarchies complexes favorisent les tensions.
  • L’enseignement : enseignants, assistants, direction – les conflits de valeurs ou la gestion du stress scolaire peuvent mener à des situations de mobbing.
  • L’administration publique : les structures hiérarchiques rigides et le manque de communication amplifient parfois les conflits internes.
  • Les services sociaux : la charge émotionnelle et les conditions de travail difficiles accroissent les risques.

Le mobbing ne dépend pas d’un seul secteur : il peut toucher toutes les organisations, publiques ou privées, quelle que soit leur taille.



Le mobbing ne nuit pas seulement à la victime ; il détériore tout l’environnement professionnel :

  • Baisse de productivité et perte de motivation.
  • Augmentation de l’absentéisme et des arrêts maladie (burn-out, dépression).
  • Turnover élevé, perte de talents et coûts de remplacement importants.
  • Climat de méfiance : les collègues deviennent témoins silencieux, craignant d’être les prochains visés.

Un environnement où le mobbing s’installe devient toxique pour l’ensemble du personnel et mine la cohésion d’équipe.

« L’indifférence est le plus grand allié du harcèlement. » – Olecio



L’article 328 du Code des obligations (CO) précise que :

« L’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité.« 


Cela signifie que l’employeur doit :

  • Prévenir les comportements hostiles ;
  • Intervenir dès qu’un cas est signalé ;
  • Protéger la santé psychique et physique des employés.

S’il ne prend aucune mesure, il peut être tenu responsable civilement et devoir indemniser la victime pour le dommage moral subi.

Références :



Les syndicats suisses jouent un rôle crucial dans la prévention et le soutien aux victimes :

  • UNIA : principal syndicat interprofessionnel, il offre des conseils juridiques et une assistance personnalisée.
    unia.ch – Harcèlement au travail
  • SSP – Syndicat des Services Publics : actif dans l’enseignement, la santé et les administrations, il propose des permanences juridiques et un appui syndical.
    ssp-vpod.ch
  • Commissions du personnel : présentes dans de nombreuses institutions publiques (hôpitaux, écoles, communes), elles servent de relais internes pour le dialogue et la médiation.

Le cadre légal en Suisse


« La plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute. » – Nelson Mandela



Code des obligations (CO, art. 328)

L’employeur doit protéger la personnalité, la santé et la moralité de ses employés.
C’est la base juridique principale pour poursuivre un cas de mobbing.

Loi fédérale sur le travail (LTr, art. 6)

Cette loi impose la protection de la santé physique et psychique au travail.
L’employeur doit prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir un environnement sain.

Code pénal suisse – art. 181 (admin.ch)



  1. Médiation interne : via un supérieur, une cellule RH, ou un médiateur externe agréé.
  2. Syndicats : accompagnement juridique et représentation.
  3. Inspection cantonale du travail : contrôle du respect de la Loi sur le travail.
  4. Tribunal des prud’hommes : pour les litiges civils liés au mobbing ou licenciement abusif.
  5. Protection du dénonciateur (whistleblower) : le cadre est encore en discussion en Suisse, mais plusieurs propositions légales existent pour protéger les lanceurs d’alerte.




« La guérison ne signifie pas que les dommages n’ont jamais existé. Cela signifie qu’ils ne contrôlent plus ta vie. » – Akshay Dubey


Le phénomène du mobbing (harcèlement psychologique au travail) peut entraîner une large gamme de symptômes médicaux et psychologiques, parmi lesquels :

  • Le stress chronique : des tensions persistantes, un état d’alerte prolongé.
  • L’anxiété : inquiétude excessive, pensées obsédantes, peur de se rendre au travail.
  • Des troubles du sommeil : insomnie, réveils fréquents, rêves angoissants.
  • La dépression : perte d’intérêt pour les activités, tristesse, épuisement émotionnel.
  • Le burn-out (épuisement professionnel) : état d’épuisement total lié au travail, qui peut être déclenché ou amplifié par le mobbing. En Suisse, on observe que l’épuisement touche des professions aux conditions de travail très exigeantes, notamment dans le domaine de la santé. (tdg.ch)


Des études suisses soulignent que le burn-out est de plus en plus fréquent dans des contextes de travail où des comportements de mobbing sont présents :

  • Le stress ressenti par les travailleurs est monté de 18 % en 2012 à 23 % en 2022. (uss.ch)
  • Dans les services d’urgences, plus de la moitié des médecins interrogés répondent à au moins un critère de burn-out. (tdg.ch)
  • Toutefois, l’épuisement professionnel n’est pas encore officiellement reconnu comme maladie professionnelle en Suisse. (swissinfo.ch)

Cette situation montre que le mobbing peut agir comme un factor aggravant, en créant un environnement de travail toxique qui mène progressivement à la perte de ressources psychiques.



Le mobbing n’affecte pas seulement la vie professionnelle : il a aussi des répercussions majeures sur la vie personnelle :

  • Isolement social : la victime peut se retirer, éviter les collègues, les amis, se sentir incomprise.
  • Perte de confiance en soi : dévalorisation, culpabilité, sentiment d’impuissance.
  • Ruptures familiales ou relationnelles : la tension au travail s’étend à la maison, parfois entraînant des conflits, de l’épuisement ou une incapacité à maintenir les liens.
  • Impact sur la santé physique : troubles cardiovasculaires, douleurs chroniques, fatigue persistante.


En Suisse romande, différentes ressources existent :

  • Psychiatres et psychologues spécialisés en santé au travail.
  • Associations de soutien comme Pro Mente Sana ou SantéPsy Suisse, qui offrent des conseils et de l’accompagnement.
  • Il est recommandé d’agir tôt, de documenter les faits, de solliciter un médecin du travail ou un service de santé au travail pour évaluer l’impact psychique.


  1. Reconnaissance du problème : accepter que l’on a été victime, identifier les comportements subis.
  2. Repos et récupération : prendre du temps, réduire la charge, parfois envisager un arrêt maladie.
  3. Accompagnement psychologique : suivi par un professionnel pour travailler sur les traumatismes, l’estime de soi et les stratégies futures.
  4. Réinsertion professionnelle : envisager un nouveau poste, un changement d’environnement, adapter ses conditions de travail pour éviter une rechute.

  • En cas d’incapacité prolongée, il peut être utile de se renseigner auprès de l’Assurance invalidité AI ou d’une assurance perte de gain.
  • Même si l’épuisement professionnel n’est pas encore reconnu comme maladie professionnelle systématiquement, un arrêt ou un traitement peut être pris en charge via l’assurance-maladie. (swissinfo.ch)
  • SPMV : organisation offrant une première aide aux personnes confrontées à du mobbing
  • Stop au harcèlement :  association lausannoise engagée dans une déconstruction globale du harcèlement


« Ce que la chenille appelle la fin du monde, le maître l’appelle papillon. » – Richard Bach


  • Chaque entreprise peut rédiger une chartre de respect (valeurs, comportements attendus, procédure de signalement).
  • Ce document formalise l’engagement de la direction et sert de référence en cas de conflit.
  • Former les managers et cadres à repérer les signaux de mobbing.
  • Ateliers pour développer l’empathie, la communication non violente, la résolution de conflits.
  • Mettre en place un médiateur interne ou externe.
  • Proposer un canal de signalement sécurisé et confidentiel.
  • Favoriser un climat de dialogue où les employés sentent qu’ils peuvent s’exprimer sans crainte de représailles.
  • Les syndicats (ex. UNIA, SSP) peuvent organiser des campagnes internes, conseiller les victimes, négocier des chartes avec les employeurs.
  • Les associations de professionnels peuvent diffuser des guides, offrir des relais d’écoute et faire pression pour des mesures de prévention.
  • Sensibiliser régulièrement tous les employés, non seulement les cadres.
  • Mettre en place des points de contact : pause-café « parlons-en », boîte à idées, feedbacks anonymes.
  • Encourager à témoigner tôt plutôt que laisser la dynamique s’installer.


  • Une étude du Secrétariat d’État à l’économie (SECO) indique que 8,4 % des femmes interrogées ont signalé un mobbing ou un harcèlement moral. (seco.admin.ch)
  • Autre rapport : 7,6 % des personnes interrogées en Suisse disent souffrir de mobbing. (hrtoday.ch)
  • Concernant le stress au travail : la part des personnes se sentant stressées est passée de 18 % en 2012 à 23 % en 2022. (uss.ch)
  • Le rapport de l’Office fédéral de la statistique (OFS) indique que 36 % des victimes de discrimination ont évoqué « mobbing ou rétention d’information ». (lemanbleu.ch)


  • Le phénomène du mobbing pourrait être accentué par le télétravail, les outils numériques et l’isolement professionnel (même si les données directes sont encore limitées).
  • Certains secteurs particulièrement touchés : santé, action sociale, hôtellerie-restauration. (uss.ch)


Laurie, stagiaire de droit en Suisse

« Je pleurais tous les soirs après le travail. »

Laurie D. , âgée de 25 ans au moment de l’événement, évoque une période de un an et demi de mobbing lors de son premier stage dans une étude d’avocats à Genève.

En juillet 2019, Laurie (25 ans) débute son stage de droit dans une étude à Genève. 

Un an et demi plus tard, la jeune femme est à bout.

Laurie se fait harceler par ses collègues de travail, et tout particulièrement par une collaboratrice.

 » Elle me donnait des ordres alors qu’elle n’était même pas ma supérieure. Lors des réunions, elle dénigrait mes idées « . Ce comportement a déteint peu à peu sur ses autres collègues.

Laurie ne cesse de s’adresser à ses supérieurs pour les informer de la situation. Ils n’interviennent pas. « Lors des réunions, on me coupait sans cesse la parole. » Lors d’une présentation en particulier, le directeur lui aurait reproché de ne pas parler et écrire correctement l’allemand, qu’elle avait pourtant étudié.

Les brimades font leur effet, et le doute s’installe. Laurie a honte de sa situation et se considère comme une « personne incompétente « . Pendant des mois, elle pleure en rentrant du travail. Malgré sa souffrance, elle met beaucoup de temps avant de se confier à une amie, cette dernière lui recommande d’en parler à des professionnels. En détresse, elle s’adresse finalement à sa doctoresse qui lui conseille d’arrêter.

De nombreux mois s’écoulent, pendant lesquels Laurie continue de travailler et de se battre. «Je ne voulais pas échouer. C’était ma première expérience dans le domaine». 

La jeune femme se met en congé maladie et tombe en  dépression. Mais elle réussit à remonter la pente et décide de suivre une thérapie afin de pouvoir enfin passer à autre chose, et surtout être capable de retrouver un nouvel emploi sans appréhension. Avec le soutien d’une psychothérapeute, elle travaille désormais sur ce qui s’est passé. Ce travail sur soi l’amène à comprendre une chose: «Je ne suis pas une victime». Personne ne doit accepter de subir du harcèlement au travail. Si elle a un seul regret à ce jour, c’est de ne s’être pas assez défendue.


Sophie, serveuse dans un café à Genève

 » Je me sentais très angoissée à l’idée d’aller travailler. « 

 » Tout a très bien commencé  » raconte Sophie, vingt-huit ans. 

Au départ sa patronne était très enthousiaste et gentille avec elle. 

Sophie était très heureuse de travailler dans cet établissement. Elle n’avait toutefois pas senti le courant passer avec un de ses collègues cuisinier, qui était très proche de la patronne. 

Et puis un jour, la tension avec ce collègue s’est installée, elle sentait qu’il la surveillait et qu’il allait rapporter des comportements mensongers à la patronne, comme par exemple qu’elle prenait de trop longues pauses ou alors qu’elle ne s’occupait pas bien des clients.

Il s’agissait d’un café ou il n’y avait qu’un serveur et qu’un cuisinier.  » Il fallait profiter des 10 minutes ou il n’y avait pas de clients pour gober son sandwich  » raconte Sophie.

Petit à petit Sophie sentait que la patronne la rabaissait et la surveillait de trop, comme si elle était à l’affût de la moindre erreur.  » C’était comme si j’avais fait quelque chose de faux, alors que je faisais de mon mieux, j’ai toujours été une personne honnête et investie  » raconte-t-elle. 

Les choses ne se sont pas améliorées, c’était de petits comportements accumulés, des messes basses, des insinuations, jusqu’à de fausses accusations. 

Et puis un jour, le collègue de Sophie lui a interdit de prendre une pause pour manger. 

Sophie s’est finalement mise en colère et a écrit à sa patronne décrivant le comportement de son collègue, menaçant de porter plainte. 

Ce jour-là Sophie est partie sur le champ, elle était à bout et s’est rendu compte qu’elle ne pouvait plus supporter cette tension permanente.

Sophie raconte que cette expérience lui a fait perdre confiance en elle. 

Elle avait pourtant des années d’expérience et de compétences validées par ses anciens emplois.

 » J’ai mis du temps avant de pouvoir rechercher un emploi  » confie-t-elle. 

Ce type de situations sont malheureusement très fréquentes. En tant que thérapeute kinésiologue à Genève, je suis témoin d’une multitude de situations ou patrons ou collègues jouent de leur pouvoir et abusent d’un employé. 

Malheureusement, les victimes prennent souvent beaucoup de temps à réagir, car parfois ces comportements se font de manière graduelle, mais aussi parce qu’elles ont simplement besoin de leur travail.

Les séquelles laissées par le mobbing peuvent être très lourdes. 

Il est important d’en parler à un maximum de personnes ou de consulter un thérapeute rapidement. 



Le mobbing ne connaît ni frontières ni statuts. Il s’infiltre dans tous les milieux professionnels, qu’il s’agisse du secteur public, privé, hospitalier ou administratif. Trop souvent, ce phénomène est banalisé, ignoré ou mal compris, alors qu’il engendre des souffrances humaines profondes et durables.

Les victimes perdent peu à peu confiance en elles, s’isolent, et développent parfois des troubles anxieux ou dépressifs. Pour certaines personnes, le travail représente un véritable équilibre de vie — lorsqu’il devient toxique, la détresse psychologique peut aller jusqu’à des pensées suicidaires.
L’impact ne s’arrête pas aux murs de l’entreprise : il touche aussi la vie familiale, les enfants et les relations sociales.

À Genève, les structures d’écoute et d’accompagnement spécialisées restent encore trop rares et peu accessibles. Dans le secteur public, la problématique est d’autant plus sensible : le mobbing y est souvent minimisé, et la victime peine à trouver un soutien impartial.

Les collègues, souvent conscients de la situation, choisissent le silence par peur de représailles ou de perdre leur emploi. Cette omerta institutionnelle plonge la personne harcelée dans une solitude extrême, contrainte d’affronter chaque journée avec la boule au ventre.

Les tribunaux administratifs et instances internes peinent parfois à garantir une neutralité totale, car dans de nombreux cas, l’employeur est l’État lui-même. Ce contexte rend la reconnaissance et la réparation d’autant plus difficiles.

“Briser le silence, c’est déjà agir.”

La lutte contre le mobbing doit passer par une prévention active :

  • des formations à la communication et à la gestion de conflits,
  • la création de cellules indépendantes de médiation,
  • et une culture du dialogue au sein des institutions.

Le mobbing n’est pas un simple conflit professionnel. C’est une violence psychologique réelle, aux conséquences graves, qui appelle à une prise de conscience collective.

Donner la parole aux victimes, c’est redonner de la dignité, de la justice et de l’humanité à nos lieux de travail.


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